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Michel Barrionuevo -   Sassenage

La réforme des retraites votée au Sénat est marquée du sceau de l'injustice

26 Octobre 2010, 19:19pm

Publié par CRC-SPG

Les salariés de notre pays, qui sont mobilisés depuis bientôt deux mois contre votre réforme des retraites savent pertinemment qu’ils n’avaient rien à attendre de la réunion de la commission mixte paritaire. A l’issue de ce processus législatif marqué par la volonté gouvernementale d’empêcher tout débat et toutes contre propositions, ils mesurent combien ce projet de loi constitue une régression sociale sans précédent puisque vous renvoyez les salariés plus de 18 ans en arrière en les privant du droit à la retraite à 60 ans.

Nous n’avons eu de cesse de le dire, cette réforme est marquée par le même sceau de l’injustice qui à présidé à l’instauration du bouclier fiscal. Si l’on devait résumer votre projet de loi en deux chiffres, ceux-ci seraient indéniablement 85 et 15. 85% c’est le poids économique de la réforme qui sera supportée par les seuls travailleurs, alors que les revenus du capital et les plus riches de nos concitoyens ne contribueront qu’à hauteur de 15%. Pour vous, ce partage totalement inéquitable serait justifié du seul fait que ce sont les salariés qui bénéficient du droit à la retraite. Je pourrais naturellement ironiser en vous demandant pour combien de temps encore.

Car les articles 5 et 6 auront pour effet de voter – il n’y a pas d’autre termes – deux ans d’espérance de vie en bonne santé des travailleurs. Deux ans qui en lieu et place d’être dédié aux proches, à la famille, au temps pour soi, seront consacrés au travail et à l’accumulation de richesses dont seule une minorité de privilégiés profitent. D’ailleurs, suivant votre démonstration, s’il est logique que les salariés soient les seuls à être mis à contribution puisqu’ils profitent de leurs retraites, il serait également logique qu’ils profitent des richesses qu’ils contribuent très largement à créer. Mais cela reviendrait à mettre un terme à toute une conception politique et économique du travail qui ne cesse de favoriser les actionnaires au travers de versements de dividendes toujours plus importants, au détriment des salaires toujours plus petits.

Au final, c’est bien votre refus d’inventer une meilleure répartition des richesses afin de renforcer notre système de retraite par répartition, qui vous conduit à imposer une réforme qui, nous l’avons dit, sera injuste, inefficace et brutale.

Brutale car en jouant simultanément sur les trois facteurs : le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein et l’augmentation de la durée de cotisation vous allez plus loin et plus vite que n’importe où en Europe.

Elle sera inefficace car votre réforme n’est pas financée. On sait d’ores et déjà qu’il lui manquera 4 milliards d’euros. Et encore, dans le meilleur des cas puisque votre réforme suppose sur une non dégradation de l’économie et de la situation du travail. Un déficit qui ne pourra pas être comblé par le Fonds de Réserve des Retraites puisque vous avez pris la décision de la siphonner pour payer la dette sociale. Une aberration quand on connaît les finalités mêmes du F2R.

Enfin, elle sera injuste car ce sont les salariés qui supporteront l’essentiel de cette réforme. Et comme toujours, vous n’avez pas hésité, sous prétexte d’équité, à réduire l’ensemble des droits. J’en veux - par exemple- pour preuve la manière avec laquelle vous avez réduit les conditions d’accès au minimum garanti.

Par ailleurs, les salariés qui ont commencés à travailler tôt, seront lourdement pénalisés par votre projet de loi. Durant les débats vous n’avez eu de cesse d’affirmer que la Gauche n’avait rien fait pour eux. C’était pour mieux masquer une réalité, vous allez les contraindre à travailler encore plus longtemps que le par le passé. Il ne reste décidément plus rien du dispositif carrière longues que vous avez progressivement vidé de sa substance. En effet, années après années, se sont multiplié les mesures de durcissement. Il y a tout d’abord eu le durcissement des conditions de rachat de trimestres au titre des années d’études et d’apprentissage, le durcissement des conditions d’accès au départ anticipé pour carrière longue et pour les assurés handicapés, la prise en compte des règles en vigueur à l’âge de 60 ans et non à celles de l’année de liquidation, la tentative d’allongement automatique de la durée de cotisation pour la retraite à taux plein à 60 ans, passage progressif à 164 trimestres en 2012 avec évolution parallèle de la durée d’assurance requise pour le calcul de la pension, la non prise en compte pour le départ anticipé carrière longue du rachat de trimestres pour études supérieures et années incomplète, et dernier élément en date, la réforme de la majoration de la durée d’assurance pour enfants, les MDA, mesure adoptée en janvier 2010. Pour les salariés concernés par le dispositif carrière longues, la décision est des plus injustes car bien qu’ayant commencés à travailler jeunes ils devront de toute façon travailler deux ans de plus.

Injuste également pour les jeunes qui avec cette mesure voient les portes de l’emploi se refermer sur eux pour deux ans encore. La combinaison de l’article 5 et de l’article 6 ayant pour effet mécanique de retarder l’accès de près de 1 millions de jeunes au premier emploi de qualité. Ainsi les jeunes devront-ils en raison de l’article 4 - réintroduit par la CMP - travailler 41,5 annuités pour bénéficier d’une retraite sans décote. Autant dire du quasi impossible.

Injuste encore pour les femmes, dont parlera ma collègue Odette TERRADE mais aussi pour les personnes en situation de handicap ou les malades atteints d’une affection chronique. Pour elles, l’idée d’une carrière complète à 40 annuités était déjà illusoire, elle devient irréaliste si on la porte à 41,5 annuités. Pourtant personne ne peut légitiment affirmer qu’il soit légitime de sanctionner financièrement des femmes et des hommes qui, en raison de leur état de santé ou parce que les employeurs ne respectent pas leurs obligations d’emploi, ne peuvent jamais atteindre dans les faits le nombre d’annuités nécessaires pour justifier d’une carrière complète.

En réalité, le cumul des articles 4,5 et 6 constituent une machine infernale, une mécanique irrémédiable destinée à réduire dans l’avenir le niveau de pensions des salariés.

Comme ce fut le cas en 1983, en 1995 et en 2003, les retraités de notre pays verront fondre leurs pouvoirs d’achat et se dégrader considérablement leur qualité de vie. Cela vous permettra sans doute de justifier une réforme systémique, dont la double caractéristique sera la substitution de la répartition par la capitalisation, et la suppression totale pour les assurés d’un montant garanti de pension.

Pour toutes ces raisons, et pour celles que détailleront mes collègues, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

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