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Michel Barrionuevo -   Sassenage

Envoyé spécial à la Villeneuve: ce film est un mensonge, une imposture

1 Octobre 2013, 13:22pm

Publié par Brigitte Daïan

LE FILM ! (*)
Hier, je ne l'avais pas vu.
Jeudi quand les voisins se réunissaient pour le voir, j'étais au 7 de l'allée de la Colline à la chorale.
Chorale tous les jeudis soir, 20 personnes se réunissent autour de Mauricio, jeune chef de choeur talentueux, salvadorien, des gens du quartier et d'autres personnes qui viennent d'ailleurs.
Hier, je découvre sur mes mails la stupéfaction des uns et des autres qui ont vu le film.
Hier soir 18h30 Ciné-Villeneuve, organisé par un groupe d'habitants, première soirée de l'année autour du film "du vent dans les mollets"..
Vers 18h je me dirige vers la Salle Polyvalente, la soirée est belle, la porte de mes voisins
kosovars est ouverte sur la ruelle, des voix et de la musique, les montagnes brillent et se colorent du coucher du soleil, le parc est rempli de cris d'enfants et de personnes qui trainent profitant de la douceur de cette fin d'après-midi avant de rentrer chez elles. Des femmes sur un banc, des bébés dans les poussettes, les plus grands qui jouent...Je rencontre Mr Babouri, je le félicite pour son élégance, il sort de la mosquée, me demande si je vais bien et me dit : tu vas au cinéma, c'est bien...
Le FILM ! Tout le monde en parle, je ne l'ai toujours pas vu.
Ciné-Villeneuve une belle soirée à la salle polyvalente à côté la Mosquée, 50 personnes, des rires, des pleurs, un beau moment partagé qui se termine autour d'un pot.
Il est 20h45.
Emmanuelle et son mari traversent comme d'habitude le parc en trottinette...
Je traverse le parc avec Mourad et Laïd, on se dirige vers le Patio a l'Arlequin pour rejoindre les amis des associations des Sénégalais en Isère et l'AFODEMI qui organisent une soirée autour d'Aimé Césaire et L.S. Senghor.
Dans le parc, du monde, des familles ; place du marché de l'Arlequin, des jeunes gens réunis, 2 motos, une guitare, sur un banc des hommes en pleine discussion sur la politique.
Des femmes et des poussettes, les bords du lac brillent à la lueur de la lune, l'ombre des
montagnes reflétée dans l'eau.
Tout en marchant, nous parlons du FILM que je n'ai pas encore vu...nous échangeons sur les médias.
Arrivée au Patio, du monde, le monde, " le tout monde" comme dit Patrick Chamoiseau quand il parle de la poétique de la relation.
Des spécialités culinaires, de la musique, de la poésie, une belle ambiance fraternelle, j'y
retrouve des amis du quartier et d'autres venus d'ailleurs, tous réunis pour une soirée autour de la fraternité et de la poésie. " le tout monde ".
Une soirée comme il y en a des centaines par an à la Villeneuve organisées par des bénévoles.
J'y retrouve des amis qui me parlent, avec colère, de ce film et du sentiment d'amertume ressenti en le visionnant...Que faire ? Dans tous les cas " ne pas se laisser faire ".
REAGIR...CRIER...URGENCE CRIER !
La poésie et la musique sont douces a l'oreille même si elles expriment la douleur, les douleurs mais aussi la résistance, la lutte, les combats humains, tout ceci nous réunit dans une communaute d'ideées et de sens, heureux de se sentir complices de l'humain.
Tout ceci est à mille lieux de ce qui est montré dans le film, ce n'est pas la même planète !
Vers 22h30, je quitte mes amis et traverse le parc, la température est toujours douce, je croise une famille avec plusieurs enfants, le petit danse en chantant : " on va faire la fête ", plus loin un groupe de jeunes dans un coin noir, je devine une moto et une dizaine de personnes, je m'arrête et les salue, ils répondent à mon bonsoir, par " un bonsoir madame " poli à plusieurs voix.
Continuant mon chemin, j'apercois une fumée accompagnée d'une odeur de saucisses grillées, des éclats de voix me guident vers un coin du parc, j'y trouve un groupe d'hommes qui jouent à la pétanque dans une ambiance festive, c'est une soirée comme il y en a souvent dans ce quartier.
Plus loin mon voisin promène son petit caniche, des passants tranquillement rentrent chez eux, les lumières aux fenêtres, la lumière bleue de la télé à quelques fenêtres, chacun veille à sa façon dans son petit nid .
C'est vendredi soir, pas de travail le lendemain pour beaucoup.
En arrivant chez moi, en rez-de-chaussée de l'allée de la colline, devant la porte d'entrée de mes voisins kosovars, 5 paires de chaussures alignées sagement sur le palier, une fois rentrée, j'entends les pas des enfants qui courent dans l'escalier de l'appartement, une faible musique suinte à travers les murs, la vie, la vie dans un quartier populaire où les gens s'entendent, se croisent, se connaissent, se parlent, s'entraident et se respectent,
La vie, quoi !
Nous avons accueilli à la maison, plusieurs fois, Ilona, la voisine, qui faisait des malaises, traduit des papiers administratifs, aidé la fillette qui frappe à la porte quand elle a des devoirs à faire.
Nous avons fait une pétition signée par tous les voisins cet été pour leurs amis macédoniens habitants du même immeuble qui devaient quitter le territoire avec un bébé d'un mois.
Et ce FILM que je n'ai toujours pas vu...
Alors, n'y tenant plus, j'ouvre mon ordinateur et je cherche " envoyé spécial du jeudi 26
septembre 2013"
LE FILM. Je me trouve brutalement projetée dans un monde de violence, de guerre et de peur, un monde inconnu pour moi...
UN CAUCHEMAR A COTE DE CHEZ MOI SANS QUE J'AIE VU QUOI QUE CE SOIT !
La Villeneuve ? Mon quartier ? Notre quartier, défiguré ! Je ne le reconnais pas, c'est une erreur, ce n'est pas possible ! J'y vis chaque jour par choix, ce n'est pas ça que j'ai choisi même si je connais les difficultés des gens qui m'entourent, la misère due au chômage et aux inegalités de notre société libérale.
Mon regard n'a rien à voir avec ce que nous montre l'objectif de cette caméra malfaisante qui a choisi la part noire, la part cachée que nous connaissons bien sûr, mais contre laquelle nous luttons au quotidien pour faire que ce quartier soit un lieu du vivre ensemble et de solidarité.
Quelles sont les volontés qui animent une telle émission, c'est inacceptable, je me sens
profondément touchée dans ma dignité, et celle de tous mes voisins !
Ni angélisme, ni autruche, ni naïveté, je connais mon quartier que j'habite depuis 25 ans
ET CE N'EST PAS CA !
CE FILM EST UN MENSONGE, UNE IMPOSTURE.
IL FAUT LE DENONCER !

Le lendemain apres-midi, en sortant de chez moi je me trouve nez a nez avec Amy et son amie, un arc en ciel de couleur, des robes magnifiques, le Sénégal, des femmes radieuses, elles vont aux fiancailles de Koviessou avec une jeune femme tunisienne, Koviessou qui était la terreur du quartier il y a quelques années, Koviessou radieux en costume, une famille fière de ce fils enfin rangé. Oubliées les difficultes ! On fait la fête avec les amis.
Et puis, il y a le petit Adissou qui frappe à la porte pour demander si j'ai des noix, il aime les noix !
Il faudra attendre encore un peu la prochaine récolte.
Et puis, il y a...il y a...tant de choses à raconter.
Un monde, le monde devant ma porte.
Le tout monde.
L'humanité !
Brigitte Daian, fait à la Villeneuve le 27 septembre 2013
(*) " Envoyé spécial ", édition du jeudi 26 septembre 2013 de France 2.
Cf. : http://www.france2.fr/emissions/envoye]special

LA PETITION

 

Et ci-contre le flyer du Front de gauche des quartiers sud de Grenoble à télécharger

 

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